nos longues et tristes journées d'hiver dans de misérables cases noircies de fumée et ouvertes à tous les vents ; ni les longues marches forcées dans les montagnes, dans la vase ou dans la brousse couverte de neige. En dehors des Boxers, qui étaient l'adversaire principal, nous avions à combattre à la fois les populations qui nous étaient hostiles et la rigueur de l'hiver. Or, contre ces deux derniers ennemis, nous ne pouvions rien, ou presque rien. Les indigènes étaient animés contre nous d'une haine féroce mais ils étaient... nos protégés et on n'y pouvait toucher, sous peine de sévères punitions. Et cependant, ils assassinaient nos camarades dans les centres mêmes que nous protégions. L'impunité dont-ils étaient assurés nous paraissait absolument exorbitante. Comme tant d'autres, malgré l'expérience de mes campagnes antérieures, je ne savais vraiment plus quelle attitude prendre vis-à-vis de ces gens qui pendant très longtemps refusèrent de nous vendre quoi que ce soit, et qui attiraient nos camarades dans des guets-apens, pour les massacrer sans merci et leur faire subir les plus horribles mutilations. Il fallait traiter ces misérables avec égards, ne pas les molester, ni les obliger à vendre, alors que nous mourrions presque de faim. Notre situation n'était vraiment pas enviable sous ce régime de sentimentalité à rebours qui se pratiquait à nos dépens. Nous obéissions strictement aux consignes reçues, mais que de fois nous aurions voulu voir à notre place ces humanitaires en chambre, qui vaticinent au coin de leur feu, loin des risques et des coups de chien, et qui, préconisant la mansuétude, la solidarité des peuples, etc., se montrent souvent d'une intransigeance rare dès que leurs petits intérêts personnels sont en jeu.
Après l'inévitable désordre des débuts de l'expédition, l'arrivée du général Voyron avait marqué le commencement d'une réorganisation de tous les services. Hôpitaux et centres de ravitaillement furent