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couteau, lui coupe net le pouce gauche et se sauve. Hainaff ne fit pas usage de son fusil. Ce fut un tort, à mon avis ; à sa place je n'aurais pas hésité. Sur dix Arabes qu'un soldat rencontre sur une route dans le Sud, six lui demandent soit une allumette, soit du papier à cigarette, soit une cigarette. S'il refuse, ils l'insultent : Kelb, roumi (chien, chrétien), lui crient-ils... et j'en passe d'autres.

Je note également ici, à titre de souvenir, les silos de Géryville. Ce sont des trous creusés dans la terre à une profondeur d'environ 8 mètres, et de 2 mètres de diamètre ; ils sont recouverts à la surface d'un couvercle en bois. Ces silos servent de prison pour les Arabes. Pendant le jour, le couvercle est ouvert, sauf en temps de pluie. On descend au fond par une échelle. La condamnation au silo est prononcée par le bureau arabe pour certains délits de droit commun. La nourriture est apportée aux patients par leurs familles. Cette punition peut sembler très dure. Qu'on se rassure pourtant. Les prisonniers jouent aux cartes toute la journée, fument, et assez souvent réclament eux-mêmes la fermeture du couvercle. Ont-ils un besoin quelconque, ils appellent un homme de garde qui descend l'échelle, les fait monter, les accompagne où ils veulent et les réintègre.

Le caïd (chef de village) mène les choses plus rondement en matière de punition. Quand il a reconnu un Arabe coupable d'un délit qu'il croit inutile de transmettre au bureau arabe, ou s'il juge sa sanction personnelle plus efficace, il fait administrer au délinquant un certain nombre de coups de bâton bien appliqués. L'Arabe, paraît-il, préfère le silo aux coups de bâton, car tel qui est condamné par exemple à vingt-cinq coups, est certain d'avance d'en recevoir une dizaine de plus. Le professionnel chargé d'appliquer la peine commence toujours à se faire la main par quelques coups vigoureux, et il en fait autant pour finir.

Quelque temps après, j'étais désigné pour aller en