Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/49

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pour El-Oussek comme garde de la discipline. Je voudrais que vous voyiez mon fils et que vous l’aidiez... à déserter ; je me charge du reste.

Du coup, je devins blême de colère. — Madame, dis-je, pour qui me prenez-vous ? On vous a faussement renseignée sur mon compte. — Elle tenait quelques billets de banque à la main, et me les tendait. — Mon devoir est de vous faire arrêter, continuai-je, mais j’ai pitié de vous et je vous conseille de quitter immédiatement Frendah et de déguerpir d’Algérie. Si, dans une heure, vous êtes encore ici, je vous dénonce. Je vous avertis aussi de ne pas recommencer votre jeu avec un autre, car je me verrais obligé de prévenir qui de droit. Donc, écoutez-moi : rentrez chez vous, en Belgique, et envoyez de bons conseils à votre fils. Tâchez d’obtenir de lui la promesse de bien se conduire et ses chefs feront le reste ; car, à la Légion, on ne maltraite pas les hommes et on leur fournit le moyen de se faire apprécier. Depuis que j’y sers, je suis très satisfait de mon sort. Adieu.

En rentrant, je prévins immédiatement mon sergent de section de cette démarche inattendue. Le lendemain matin je demandai à l’hôtel si ces personnes étaient parties. Oui, me fut-il répondu, hier soir à dix heures. Je puis croire que mes conseils ont porté leur fruit car, quatre ans plus tard, à Madagascar, j’ai revu mon homme, l’ancien disciplinaire, et sa conduite ne laissait plus rien à désirer.

Me voilà donc parti pour El-Oussek où se trouve la discipline du 2e régiment étranger. La description de ce village sera vite faite. Une place sur laquelle se trouvent de grandes tentes, entourées d’un mur en briques, posées les unes sur les autres, sans mortier : c’est le campement des disciplinaires. Quelques baraquements en bois et en pierre où logent le commandant de la discipline et les hommes de garde ; un lavoir et deux ou trois gourbis arabes. Un peu plus loin se trouvait une maisonnette habitée par un