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Un jour il me désigna pour aller à Aflou, à quatre jours de marche. Il s'y trouve un poste de la Légion. J'eus l'occasion de rencontrer sur la route une noce arabe. Le fiancé et la fiancée trônaient dans des sortes de paniers solidement fixés à dos de chameaux et garnis de tapis de valeur. La fiancée y était allongée dans une attitude gracieuse et nonchalante. Au-dessus, un baldaquin de couleur rouge la préservait des ardeurs du soleil. Une vingtaine d'Arabes musiciens marchaient à pied, en avant-garde des chameaux ; ils soufflaient dans des instruments qui ressemblaient, les uns aux tuyaux des chibouques, les autres aux tuyaux des pipes chinoises ; puis, en arrière, des femmes tapaient avec des morceaux de bois sur des bords de cuivre, en s'accompagnant de cris sauvages ; le tout produisait un vacarme infernal. Le chef de notre petit détachement nous fit faire halte au passage de la noce et nous recommanda de nous asseoir en regardant du côté opposé au chemin qu'elle suivait.

Aflou est un petit village formé de quelques baraquements où logent les Légionnaires et entouré d'un jardin. En face, se trouve la gérance. Quelques pitoyables huttes et gourbis en achèvent le pittoresque.

Au retour à El-Oussek, le lieutenant me dit qu'il a reçu l'ordre de se rendre à Saïda, et de là à Bel-Abbès où un bataillon de la Légion se tient prêt à partir pour le Dahomey. Il ajoute que, si je le désire, il m'emmènera avec lui. J'y consens, bien entendu, et il me charge d'aller le lendemain, à deux heures du matin, dans un village voisin afin de requérir des chameaux pour transporter les bagages à Tiaret.

Arrivé dans ce village qui se trouvait à 6 kilomètres environ, j'allai chez le caïd. Il faisait encore nuit, et j'avais chargé mon fusil à neuf cartouches. Un Arabe, veilleur de nuit, me reçut d'abord avec méfiance, mais après avoir appris le motif de ma présence, il alla aussitôt réveiller le chef. Celui-ci m'introduisit dans sa tente qui était partagée en deux pièces. Dans la première,