Page:Leon Silbermann - Souvenirs de campagne, 1910.djvu/56

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il y avait partout des tapis et des tentures qui excitèrent vivement mon admiration. Dans la deuxième où l'Arabe, à mon grand étonnement, m'introduisit lui-même, se trouvaient des tapis moins luxueux, sur lesquels plusieurs femmes, des vieilles et des jeunes, étaient étendues. Des chiens qui montraient les dents semblaient leur servir de gardes du corps. — Je vais envoyer chercher les chameaux, me dit-il, pendant que tu boiras un bol de lait de chèvre. — Et voyant que je ne quittais pas mon fusil : — Sois sans inquiétude, dit-il, dépose ton fusil dans un coin. — Non, dis-je, je préfère le tenir à la main, car il est chargé. — Il eut alors ce sourire spécial à l'Arabe, la bouche trop fendue, sourire faux qui signifie mensonge et ruse, qui flatte pour obtenir la confiance et en abuser ensuite. On m'apporta un bol de lait et du couss-couss. Je ne pris que le lait. Les femmes me regardaient avec des airs timides. Dès qu'elles voyaient mon regard se fixer sur l'une d'elles, elles se couvraient aussitôt le visage avec leur couverture. Ce jeu m'amusait fort.

Le caïd s'approcha de moi et voulut examiner mon fusil. — Non, dis-je, un accident est vite arrivé. — Il me parla ensuite du bureau arabe et du commandant d'El-Oussek. Un flot d'éloges qui sonnaient faux sortait de sa bouche. — Français, bono besef, conclut-il. — Je lui demandai, à titre de plaisanterie, s'il consentirait à marier sa fille à un Français ? — Ce n'est pas possible, répondit-il ; les Français ne sont pas de la même religion que nous. — Je lui adressai ensuite cette autre question : — Si la France abandonnait l'Algérie à une autre puissance, aux Allemands par exemple, que feraient les Arabes ? — Ils ne les toléreraient pas, répliqua-t-il. On les chasserait d'Algérie.

Enfin les chameaux arrivèrent, et nous partîmes pour El-Oussek où on chargea les bagages ; puis... en route pour Tiaret.

Le lieutenant nous devançait à cheval. Moi, je marchais à côté des chameaux, en allongeant le pas. Vers