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des habitants, hommes, femmes et enfants, dans un costume plus que léger, consistant généralement en un simple pagne. Quelques-uns jugeaient sans doute cette pièce d'étoffe superflue, car ils n'avaient, pour tout vêtement, qu'un morceau de toile dissimulant ce que cachent les hommes civilisés quand ils prennent un bain en présence de leurs semblables. Des garçons et des filles de dix à quinze ans ne prenaient même pas cette précaution et s'ébattaient devant nous en tenue de conseil de revision. Le capitaine distribuait aux enfants des centimes tout neufs qui brillaient comme l'or et que quelques-uns d'entre eux essayaient de casser avec les dents. Les chefs protestaient de leur dévouement pour le grand roi des blancs (c'est l'interprète qui le disait, il fallait le croire sur parole).

Dans une de nos reconnaissances, des femmes fétichistes vinrent à notre rencontre. Elles exécutaient des danses, pendant que les hommes battaient des mains, et criaient, je dirais comme des sauvages, si je n'étais pas au Dahomey. Ensuite elles levaient la tête vers le ciel, murmurant probablement des prières. Puis elles s'approchèrent de nous, et firent une quête en règle, tout comme nos chanteuses de café-concert.

Dans une autre reconnaissance, nous assistâmes à des danses de guerre réglées comme des ballets et qu'accompagnent des torsions du corps dans tous les sens, et des chants guerriers. Quelques-uns des exécutants lancent des poignards en l'air, tout en dansant, et les rattrapent par le manche, avec une habileté extraordinaire. Des négresses, spectatrices, chantent, crient et s'accompagnent elles-mêmes en battant des mains. Un vieillard, dont le très grand âge se lisait sur ses traits fatigués, ridés et flétris, exhortait les jongleurs par ses cris. J'ai assisté, plus tard, à Cotonou, à une danse de guerre où des hommes qui jonglaient avec des poignards étaient enfermés dans des sacs jusqu'au ventre.