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Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t1, 1880, trad. Aulard.djvu/280

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Combien de fois une voix plébéienne frappa mon oreille incertaine, et un frisson me prit et mon cœur se mit à battre au hasard.

Et quand enfin s’éloigna de moi la voix chère à mon cœur et qu’on entendit le bruit des chevaux et des roues ;

Alors resté seul au monde, je me recouchai, et, les yeux fermés, je serrai de ma main mon cœur qui palpitait et je soupirai.

Puis, stupidement, je traînai mes genoux tremblants par la chambre muette. « Quelle autre, disais-je, pourra toucher mon cœur ? »

Alors le souvenir amer se logea dans ma poitrine, et me serrait le cœur à chaque mot, devant chaque visage.

Et un long chagrin me pénétrait le sein, comme quand la pluie du ciel tombe sans interruption et lave mélancoliquement les plaines.

Enfant âgé de deux fois neuf soleils, je ne te connaissais pas, Amour, quand mon cœur né pour pleurer subissait tes premières épreuves,

Quand je méprisais tout plaisir, quand je n’aimais ni le rire des astres, ni le silence de l’aurore tranquille, ni le verdoiement des prés.

Même l’amour de la gloire se taisait alors en moi, qu’il échauffait tant d’ordinaire, au moment où l’amour de la beauté s’y installa.

Je ne tournai plus les yeux vers mes études familières : elles me parurent vaines, elles qui m’a-