Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/100

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que les oiseaux s’éveillaient par force et s’envolaient pleins d’épouvante.

Et le nuage grandissant s’abaissait vers le rivage, si bien qu’un de ses bords touchait les monts et que l’autre touchait la mer.

Tout s’enveloppait d’une obscurité profonde ; on commençait à entendre tomber la pluie, et ce bruit croissait à l’approche du nuage.

Dans les nuages, d’une manière effrayante, sautillaient les éclairs et lui faisaient fermer les yeux. La terre était triste et l’air était rouge.

La malheureuse sentait ses genoux défaillir, et déjà mugissait le tonnerre semblable au bruit du torrent qui se précipite de haut.

Souvent elle s’arrêtait et regardait, épouvantée, le ciel horrible, puis courait : ses vêtements et ses cheveux flottaient derrière elle.

Elle fendait avec sa poitrine le dur souffle du vent, qui lui lançait au visage de froides gouttes à travers l’obscurité.

Et le tonnerre l’assaillait comme une bête fauve, rugissant horriblement et sans cesse, et la pluie croissait avec l’ouragan.

C’était une chose horrible de voir voler à l’entour poussière, feuilles, branches et pierres et d’entendre un bruit que l’âme n’ose imaginer.

Elle couvrait ses yeux, fatigués et abîmés par les éclairs ; elle serrait ses vêtements contre son sein et accélérait néanmoins ses pas à travers la nuée.