Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/229

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veux très noirs. Elle le regarda fixement, resta ainsi quelque temps sans parler et enfin lui dit :

la nature.

Qui es-tu ? que cherches-tu en ces lieux où ton espèce était inconnue ?

l’islandais.

Je suis un pauvre Islandais qui fuit la Nature : je l’ai fuie presque toute ma vie en cent endroits de la terre, maintenant je la fuis par ici.

la nature.

Ainsi l’écureuil fuit le serpent à sonnettes jusqu’à ce qu’il aille se jeter de lui-même dans sa gueule. Je suis celle que tu fuis.

l’islandais.

La Nature ?

la nature.

La Nature en personne.

l’islandais.

J’en suis affligé jusqu’au fond de l’âme : il ne pouvait m’arriver une plus fâcheuse mésaventure.

la nature.

Tu pouvais bien penser que je fréquentais plus particulièrement ces régions où tu n’ignores pas que ma puissance est plus visible qu’ailleurs. Mais pour quel motif me fuyais-tu ?