Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/236

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tions, je me suis préoccupée et je m’occupe de tout autre chose que de la félicité ou de l’infélicité des hommes. Quand je vous offense n’importe comment, je ne m’en aperçois que bien rarement ; de même, les plaisirs et les biens que je vous procure, je les ignore ; je n’ai pas fait, je ne fais pas, comme vous le croyez, telle ou telle chose, telle ou telle action pour votre jouissance ou votre utilité. Enfin, même s’il m’arrivait de détruire toute votre espèce, je ne m’en apercevrais pas.

l’islandais.

Supposons que quelqu’un m’invitât de son propre mouvement et avec instance à aller le voir dans sa villa, et que, pour lui complaire, j’y allasse. Là, il me logerait dans une chambre tout en ruine, où je serai en perpétuel danger d’être écrasé, humide, fétide, ouverte au vent et à la pluie. Loin de s’occuper de mes plaisirs et de mon bien-être, il me ferait à peine donner la nourriture nécessaire, et, en outre, il me laisserait maltraiter, bafouer, menacer et battre par ses fils et par sa famille. Quand je me plaindrais de ces vexations, il me répondrait : Est-ce que par hasard j’ai fait cette villa pour toi ! est-ce pour ton service que j’y entretiens mes fils et ma famille ? J’ai bien autre chose à penser qu’à te distraire et à te faire faire bonne chère ! Je lui répondrais alors : Mon