Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/77

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Ni Volta ni Davy ne la changeront avec leur électricité, ni toute l’Angleterre avec ses machines, ni le siècle nouveau avec un fleuve d’écrits politiques grand comme le Gange. Toujours l’honnête homme sera dans la tristesse ; l’homme vil dans les fêtes et la joie. Tous les mondes seront continuellement en armes et conjurés contre les âmes élevées : le vrai bonheur sera poursuivi par la calomnie, la haine, l’envie ; le faible sera la proie du fort ; le mendiant à jeun sera le serviteur et l’esclave des riches, dans tout genre de gouvernement, près ou loin de l’équateur ou des pôles : il en sera éternellement ainsi, tant que sa propre demeure et la lumière du jour ne manqueront pas à notre race.

Ces légers restes et ces traces du temps passé laisseront forcément des marques dans l’âge d’or qui se lève : car la société humaine a par nature mille principes et mille éléments discordants et contradictoires : et, quant à faire cesser cette discorde, l’intelligence et la force des hommes ne l’ont jamais pu, depuis que naquit notre race illustre, et de notre temps aucun traité ni aucun journal ne le pourra, quelle qu’en soit la sagesse ou la puissance. Mais dans les choses plus importantes, la félicité mortelle deviendra entière et toute nouvelle. Plus souples de jour en jour deviendront les habits ou de laine ou de soie. Les agriculteurs et les artisans laissant à l’envi leurs