Page:Leopardi - Poésies et Œuvres morales, t2, 1880, trad. Aulard.djvu/78

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habits grossiers, couvriront de coton leur peau rude, et leur échine de drap fin. Mieux faits pour l’usage, et, certes, plus beaux à voir, les tapis, les couvertures, les sièges, les canapés, les tabourets et les tables, les lits et tous les meubles orneront les appartements de leur beauté garantie pour un mois ; la cuisine ardente admirera de nouvelles formes de chaudrons et de marmites. De Paris à Calais, de Calais à Londres, de Londres à Liverpool, le chemin ou plutôt le vol sera si rapide qu’on n’ose l’imaginer, et sous le vaste cours de la Tamise s’ouvrira un passage, œuvre hardie, immortelle, qui devait déjà être faite il y a plusieurs années. Les rues les moins fréquentées des cités souveraines seront mieux éclairées la nuit et aussi sûres que les plus grandes rues d’une ville de province ne le sont aujourd’hui. Telles sont les douceurs et l’heureux sort que le ciel destine à la génération qui vient.

Heureux ceux qu’à l’heure où j’écris la sage-femme reçoit vagissants dans ses bras ! Ceux qui sont destinés à voir ces jours désirés, où par de longues études et avec le lait de sa chère nourrice chaque enfant apprendra combien de livres de sel et de viande, combien de boisseaux de farine absorbe par mois son village natal ; combien de naissances et de morts le vieux prieur enregistre chaque année. Alors de puissantes machines à vapeur imprimeront en une seconde des millions