Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/146

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Père La Mouquette, le lecteur émoustillé, et à l’avance jouissant, par une perversion de goût, des répugnances et des haut-le-cœur que pourraient provoquer en lui les peintures chaudes et les situations qualifiées de « naturalistes », cherchait d’un œil vicieux le passage scabreux. Il ne lisait plus, il parcourait jusqu’à ce qu’il l’eût découvert. Ainsi, les collégiens aux luxures précoces, en face d’une statue, se préoccupent du sexe, ou, devant un tableau, soulèvent par la pensée la draperie recouvrant la nudité féminine. N’ayant rien surpris de brutal ou de simplement polisson dans le Vœu d’une Morte, ce fut une déception, en 1889. On pensa qu’il y avait méprise et attrape-public. Un peu de mécontentement se mêla à cette désillusion. Le lecteur n’aime pas qu’on le dérange dans ses habitudes, dans ses admirations comme dans ses dédains. On lui avait changé son Zola. Il ne pouvait ni crier au chef-d’œuvre, ni clamer à l’ordure. Les plus sages se demandèrent à quel propos, et pour quel intérêt, Zola avait remis sous les yeux du public cette œuvre de débutant ? Ce n’était assurément pas affaire de lucre ni de gloriole. Zola, en 1889, avait acquis assez de renommée, et gagnait suffisamment d’argent pour se passer de cette réédition. J’estime qu’en plaçant ce livre naïf et doux sous les yeux du public blasé et insensibilisé, auquel il faut sans cesse appliquer des sinapismes pour le raviver et le faire palpiter, l’auteur obéissait au mouvement d’orgueil classique de ces financiers légendaires qui, sous un globe de verre, se plaisaient à exhiber les sabots dans lesquels ils prétendaient être venus à Paris. En déposant le Vœu d’une Morte derrière la vitrine des libraires, parmi les exemplaires de Germinal ou de Nana, l’auteur semblait dire, avec une fausse modestie, au passant :