Page:Lepelletier - Émile Zola, 1908.djvu/198

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jouée de l’École des Femmes ne peut faire rire que du bout des lèvres ceux qui connaissent Molière, qui l’aiment, et qui savent sa douleur d’amour. Dans plus d’une pièce, il y a des rires, en certains passages, qui éclatent comme des blasphèmes. Zola est un grand poète lyrique, un psychologue pénétrant, un historien synthétique des mœurs, un anatomiste audacieux des nerfs, des muscles, du sang et des réflexes de la carcasse humaine ; il est aussi un philosophe humanitaire, un socialiste pacifique, un rêveur de paradis terrestres, un constructeur de Tours de Babel collectivistes, où tous les ouvriers confondus finiraient par s’entendre, sans parler la même langue ; il est, enfin, un grand écrivain coloré, majestueux, épique ; sa place, dans le Panthéon de la littérature moderne, est entre Hugo et Balzac, mais il ne saurait être comparé, comme inspirant le rire, à Courteline, à Alphonse Allais, à Tristan Bernard, et même au plus plat et au plus vulgaire des vaudevillistes du Théâtre-Déjazet. Lui, qui ne pouvait que sculpter dans le granit et tailler dans le marbre, il a eu le tort de vouloir se montrer fabricant de breloques en toc. Son Bouton de Rose est une erreur, une bévue. Cette tentative, qu’il n’a d’ailleurs jamais renouvelée, a dû lui démontrer, à lui si partisan de l’expérimentation scientifique, que l’art, comme la force humaine, a des limites. Pareil aux grands fleuves, le génie peut croître et se perdre dans l’immensité des océans ; il lui est interdit, en eût-il agrément et désir, de rebrousser son cours et de redevenir ruisseau. Quand on a reçu en don la puissance merveilleuse de faire résonner la lyre aux sept cordes sonores, il est malaisé, parfois même il est impossible, d’y ajouter la crécelle et le mirliton.