Il affirmait, en prenant pour directrice, dans la construction de son
vaste monument, la théorie de l’hérédité, sa conception du Roman
Expérimental. Il proclamait la nécessité de faire de la science
l’auxiliaire ou plutôt la tutrice de l’imagination. En même temps,
il bénéficiait d’un procédé de composition commode, abrégeant des
descriptions de personnages et dispensant de créer et de combiner, chaque
fois qu’il commençait un livre, toute une série de types nouveaux. Il
évitait des redites en faisant passer et repasser du premier plan au
second ses acteurs, et il usait du système qui avait avantageusement servi
à Balzac pour sa Comédie Humaine.
Une différence toutefois est à signaler. Balzac, en conservant et en
distribuant, à travers toutes les scènes de sa Comédie aux cent actes
divers, les personnages déjà vus et présentés au lecteur, se préoccupait
avant tout de donner l’apparence de la vie sociale à son monde imaginaire ;
il voulait, comme il l’a dit lui-même, faire concurrence à l’état-civil.
Dans la vie réelle, tous les contemporains se retrouvent et se coudoient,
mêlés à une existence commune, et ils sont en perpétuel contact. Nos
passions, nos vices, nos plaisirs, nos devoirs, nos besoins tournent dans
un même cercle synchronique : dans tout drame, dans toute comédie dont nous
sommes tour à tour les héros, se retrouvent, indifférents à l’action, mais
présents, les comparses sociaux. Nous entraînons avec nous dans notre
course, bonne, méchante, laborieuse, inféconde, criminelle, honnête,
sublime ou vulgaire, tout un chœur de satellites contemporains : gens
de loi, médecins, prêtres, bureaucrates, commerçants, artistes, filles,
actrices, mères de famille, enfants et vieillards. C’est pourquoi, avec
son puissant génie reconstitutif de la réalité, Balzac a eu grand soin
de
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