Bien qu’ayant été au nombre des militants, et à l’un des premiers rangs,
—je fus l’un des rares journalistes poursuivis à cette époque, ayant été
frappé d’une condamnation, qui parût énorme et disproportionnée, de cent
mille francs de dommages civils (après l’amnistie somme réduite en cour
d’appel à 20.000 francs), je ne veux ni récriminer ni recommencer de
rétrospectives escarmouches. Je n’ai gardé, de ce combat qui fut acharné,
sans merci, de part et d’autre, qu’un grand sentiment de tristesse. Le
pays ne fut pas seulement déchiré, le foyer domestique devint souvent une
annexe du champ de luttes, plus d’un cœur fut meurtri, et des inimitiés
surgirent qui se prolongèrent. Des vieux amis se sont séparés, et ne se
sont plus depuis retrouvés. De secrètes vendettas se produisirent. Il faut
déplorer cette maladie, ce cancer dont la France fut atteinte, et, à
présent que ces temps de souffrance sont lointains, les oublier, si faire
se peut, et ne plus appuyer sur les cicatrices de peur de les rouvrir. Je
vais me borner à signaler le rôle considérable de Zola dans ce grand et
ténébreux drame.
Sans être autrement troublé, il avait, comme tout le monde, appris et
accepté la condamnation de Dreyfus par le premier Conseil de guerre
siégeant au Cherche-Midi, à Paris, le 20 décembre 1894. Alfred Dreyfus,
sans que Zola protestât, subit la dégradation militaire et fut envoyé à
l’Île du Diable. Il y séjourna trois ans, soumis à un régime très sévère.
Il convient de constater que, soit dans la cour de l’École militaire,
pendant la terrible cérémonie de la dégradation, soit à l’Île du Diable,
soit encore en écrivant à sa femme, ou en adressant mémoires, requêtes et
recours au président de la République, aux magistrats et à ses défenseurs,
le condamné n’a cessé
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