inébranlables, faisant secrètement une lente et active propagande ? Il reçut probablement, comme moi, comme plusieurs journalistes et écrivains, la visite suivante : Un matin d’avril 1897, si mes souvenirs sont bien exacts, un homme de lettres, un confrère de la presse, se présenta chez moi. Il venait de publier un volume, et comme j’étais alors chargé de la critique littéraire à l’Écho de Paris, il m’apportait son ouvrage, pensant qu’au lieu de le faire parvenir au journal il serait préférable de me le remettre lui-même, sage précaution d’auteur. Je pris le livre, intitulé les Porteurs de torches, et je causai amicalement avec l’auteur, Bernard Lazare. Nous parlâmes des sujets analogues à celui qu’il avait traité : des Derniers jours de Pompéi, de Bulwer Lytton, de Fabiola du cardinal Wiseman, de Byzance et de l’Agonie de Lombard. Il s’agissait d’une évocation de la société antique et des cruels jeux du Cirque. La conversation, purement littéraire, s’épuisait, quand Bernard Lazare, tirant des papiers de sa poche, aborda brusquement le motif principal de sa visite. Il me parla de la condamnation de Dreyfus, qui était, disait-il, le résultat d’une erreur et d’une machination. Il me montra des fac-simile autographiés du fameux bordereau et la plupart des pièces en fac-simile qui, depuis, ont été tant de fois cités et reproduits. Bernard Lazare me demanda de m’intéresser à la cause de celui qui, à ses yeux, était bien innocent, et, avec force compliments, il m’incita à discuter favorablement dans la presse les documents qu’il me soumettait. Nous nous quittâmes sur le ton de la plus parfaite cordialité. Je dois déclarer que, dans cette conversation, dans cette tentative pour obtenir mon concours, comme il me disait avoir déjà sollicité et
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