Les deux femmes, tout en veillant avec amour sur la santé et sur le
bien-être de l’enfant, semblaient se préoccuper médiocrement de son
éducation première. Les notions élémentaires de maintien, de politesse,
de maniérisme et de minauderie, qu’on s’efforce d’inculquer aux jeunes
enfants, à tous les degrés de la société, lui furent épargnées, il échappa
à la contrainte de « se bien tenir » . Il n’eut pas à se préoccuper d’être
très sage, quand il y avait du monde, et de demeurer immobile, en visite,
ce qui est le fondement de l’enseignement élémentaire des sujets de la
classe moyenne. Sans avoir préalablement lu Jean-Jacques, et sans prendre
l’Émile du philosophe comme le modèle de l’enfant à éduquer, grand’maman
Aubert, vaquant du sous-sol au grenier, et petite maman Zola, courant les
études et les greffes, élevèrent, l’Émile de l’impasse Sylvacanne en
véritable enfant de la nature.
Le jeune Zola ne fut pas du tout un petit prodige. On aurait pu le classer
plutôt parmi les élèves en retard. On range pêle-mêle communément dans
cette catégorie, d’une part ceux qu’une prédisposition congénitale ou un
état maladif empêchent de grandir intellectuellement ; d’autre part les
adolescents qu’on a négligé d’instruire, de pousser, et qui se font
reléguer, avec des condisciples beaucoup plus jeunes, dans les classes
enfantines. Écoliers abécédaires, ils épellent encore quand les autres
lisent couramment. Ce fut le cas du petit Émile.
À sept ans, il ne savait pas ses lettres. Il fallut pourtant se décider
à les lui apprendre. Il convenait, par dignité, à raison de la condition
sociale dans laquelle il était né, de l’arracher à son éducation purement
champêtre. Le fils d’un ingénieur, l’héritier, sinon des produits
financiers du canal, du moins de la renommée
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