Aller au contenu

Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/184

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par une force supérieure ; tournés, ils se sont rendus, croyant avoir la vie sauve. Sans même qu’on prît la peine de vérifier leur identité, il sont été passés par les armes. Après coup, pour atténuer l’horreur de cette exécution, ils ont été qualifiés de déserteurs. L’exaspération des soldats, à la première rencontre, n’était pas poussée à un tel point qu’ils aient pris sur leur propre initiative une décision aussi sauvage. Pourquoi leurs chefs ne sont-ils pas intervenus ? Ces chefs ont donc ordonné ce massacre de combattants jetant les armes ? On peut en rendre Vinoy ou Galliffet responsables. M. Thiers n’avait certainement pas donné d’ordres formels à cet égard. Cela non point par humanité, ou par respect des usages de la guerre chez les peuples civilisés qui ne permettent point qu’on fusille les troupes vaincues, déposant les armes et se rendant. Mais par calcul et par politique, M. Thiers n’eût point donné une consigne aussi atroce. Impitoyable, mais comprenant la portée de ses excès, M. Thiers eût craint, en faisant massacrer les premiers prisonniers parisiens, d’attirer les mêmes fureurs sur les prisonniers versaillais qui pourraient être faits. Il devait songer aux représailles futures. C’est pourquoi, dans sa dépêche, sans nier ces tueries inexcusables, il a essayé de tromper l’opinion, et de les mettre sur le compte de l’exaspération des soldats retrouvant en face d’eux des déserteurs, leurs camarades de la veille, disposés a user contre eux de leurs armes. L’explication des déserteurs est absurde. Il ne reste que le fait exact et vrai : sur l’ordre de leurs chefs, dans ce premier contact, les Versaillais ont fusillé des prisonniers devenus inoffensifs et sacrés, des combattants qui remettaient leurs armes et se rendaient. La répercussion de ce massacre initial devait être grande et terrible. En apprenant que l’on exécutait les prisonniers du côté de Versailles, on songea, du côté de la Commune, qu’on pourrait aussi avoir des