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prisonniers, qu’on en avait même sous la main. La barbare proposition du décret dit des « Otages » est issue de ces réflexions, et ce sont les généraux versaillais qui ont les premiers suggéré cette idée de représailles.

On pourrait multiplier les citations analogues à celle de Lanjalley et Corriez, pour bien établir que, si les Versaillais n’ont pas absolument « attaqué », comme le dit par la suite une proclamation parisienne, car il est indiscutable que le premier coup de feu est parti du poste des gardes nationaux vers lesquels se dirigeait par méprise, peut-être par fanfaronnade, le chirurgien-major Pasquier, ce sont bien les troupes de Versailles, sur l’ordre ou avec l’encouragement de leurs chefs, qui ont donné le sauvage exemple de fusiller des prisonniers, des otages.

Voici pour corroborer l’assertion de MM. Lanjalley et Corriez, déjà certifiée par M. Thiers lui-même, la vision hideuse que, quelques heures après le combat, eut M. Léonce Dupont, observateur intrépide qui, monté dans un méchant cabriolet, s’était aventuré jusque sur la route de Saint-Germain. Il faut noter que M. Léonce Dupont fut un « Versaillais » ardent, et que son livre est entièrement hostile aux hommes de la Commune :

Je n’oublierai de ma vie l’émotion que me causa la vue de ce rond-point des Bergères. Jamais antithèse ne me sembla plus cruelle, que l’antithèse de ce nom champêtre éveillant des souvenirs bucoliques, et du spectacle qui s’offrait à mes regards. Des deux côtés de la route, dans les deux fragments d’une vaste demi-lune, les fédérés allaient de leur pied léger, s’emparer du Mont-Valérien. On leur a dit qu’ils n’avaient qu’à se présenter. Chemin faisant ils rencontrent des régiments qui leur barrent le passage et les mettent dans une affreuse déroute. Les fédérés tiennent bon : on les fusille en masse et en détail. Ceux qui restent, après la bagarre, on les adosse au mur d’une masure placée sur la droite et on les passe par les armes.

Cette sanglante mêlée avait laissé le terrain jonché de cadavres