Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/215

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Commune. Par cette sortie, elle deviendrait, pensait cette foule crédule et enthousiaste, maîtresse de ses destinées. Elle s’imposerait comme un gouvernement incontesté, qui serait accepté bientôt par la France entière, comme l’avait été celui de la Défense nationale. Qui donc aurait pu faire entendre raison à ce peuple déchainé ? On n’arrête pas le flot qui monte.

Si les membres de la Commission et ceux de la Commune, qui protestèrent contre ce mouvement les surprenant et dont la direction leur échappait, avaient fondé leur opposition sur des motifs d’ordre militaire, s’ils eussent allégué qu’on ne paraissait pas être prêt, qu’il fallait attendre l’organisation complète, on pourrait blâmer les généraux d’avoir insisté sur la nécessité d’action immédiate, d’avoir suivi la foule qui exécutait leur projet offensif. La résistance civile aux idées des guerriers eût été logique. Mais il n’en fut rien. Les opposants parurent, après coup, avoir vu juste. Toutefois, d’une telle fermeté de résolution temporisatrice, d’une si clairvoyante perception de la situation réelle, de la prudence qui devait conseiller l’ajournement d’un grand combat, rien ne ressort des faits. Aucune preuve de la sagesse et de la volonté de la commission ne résulte de la discussion à laquelle Félix Pyat, Tridon, Lefrançais prirent part, avec passion.

S’ils désapprouvaient la marche en avant, ce fut surtout parce que leur tempérament était contraire à tout ce qui avait un caractère militaire. Si peu militarisés que fussent Eudes, Bergeret ou Duval, leurs collègues de la Commission qui se désignaient entre eux comme en étant « les membres civils » les considéraient comme imbus de l’esprit guerrier, presque tels que des soudards impatients de livrer des batailles. L’antagonisme entre les deux éléments se prolongea pendant toute la durée de la Commune, et con-