Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/216

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tribua grandement à sa perte. Espéraient-ils donc ces « civils », en reculant l’heure du combat, amadouer M. Thiers ou le vaincre ? Pensaient-ils causer avec lui diplomatiquement sans que le canon entrât dans la conversation ? lis avaient peur de son bruit brutal qui couvrait la voix des phraseurs. Ils ne pensaient qu’à éloigner la fusillade qui troublerait les beaux débats qu’on se promettait à la tribune. Car tous ces hommes bien intentionnés étaient avant tout désireux de parler, d’entendre parler, de discuter des programmes, de proposer des motions, de soutenir des décrets, de rédiger des affiches, de lancer des proclamations. Ils croiraient avoir sauvé la République quand ils auraient magnifiquement voté son salut. Le souci d’être des parlementaires leur ôtait le jugement, et la seule pensée de retarder l’heure où l’on pourrait prendre la parole les irritait contre ceux qui voulaient prendre le fusil. Is auraient pu s’opposer formellement à la sortie, même déjà commencée, et ordonner à Flourens, par exemple, de ne pas s’écarter d’Asnières, de ne pas s’aventurer dans la presqu’île de Gennevilliers, à Bergeret de ne pas dépasser le rond-point de Courbevoie, lieu de l’escarmouche de la veille, mais de s’y maintenir fortement de façon à conserver le pont de Neuilly libre. Eudes et Duval, de leur côté, eussent dû recevoir l’ordre de ne pas pousser leur importante reconnaissance au sud au delà de Clamart et de demeurer sous la protection du fort d’Issy. Ces mesures étaient prudentes, assurément excellentes et la Commission pouvait les prescrire. Malgré l’élan et l’enthousiasme indiscutables des bataillons lancés en avant, l’ordre venu après l’impétuosité du premier moment eût été obéi, la foule eût été déjà satisfaite par sa marche au delà des fortifications. Elle eût attendu avec tranquillité des ordres ultérieurs et fût même rentrée dans Paris avec une ferté suffisante, prête à recommencer la sortie dans