Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/293

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On se contenta de confier à un brave homme la mise en état de défense de la rue de Rivoli à l’entrée de la place de la Concorde. Le bon cordonnier Gaillard construisit avec un zèle louable deux importantes forteresses urbaines. Elles barraient l’une la place Vendôme, l’autre la rue de Rivoli, allant de l’angle de la rue Saint-Florentin au mur de la terrasse des Tuileries. Ces constructions monumentales firent l’ébahissement des badauds, mais ne furent d’aucune utilité, les assaillants ayant aisément tourné ces positions, dont rien ne protégeait l’approche. On ne songea même pas à utiliser le fossé profond ou le remblai puissamment protecteur que formait, selon les endroits, la voie du chemin de fer de ceinture. C’était une seconde enceinte aisée à armer, à défendre, que le canon versaillais ne pouvait battre en brèche : les batteries de Saint-Cloud, de Breteuil, devant être gênées par la présence des troupes et ne pouvant plus tirer dès les remparts franchis. Cette enceinte parallèle, bien vite rendue inexpugnable, eût arrêté les assaillants autant que l’enceinte bastionnée.

Aussi, quand vint à sonner l’heure de la lassitude et de l’abandon, heure psychologique facile à prévoir, les troupes versaillaises purent-elles entrer, le pont-levis brisé d’Auteuil escaladé, sans essuyer un coup de feu, sans qu’une seule barricade armée et défendue se trouvât pour les arrêter dès les premiers cent mètres. Il est même surprenant que les troupes, ayant pénétré aussi facilement dans la ville, véritablement ouverte, ne l’aient pas plus rapidement enveloppée, garrottée, avec toute sa population, en une seule nuit, sans avoir à combattre, sauf peut-être sur les hauteurs excentriques du Père-Lachaise, donjon suprême de l’insurrection vaincue.