Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/345

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faible majorité, majorité quand même, 285 voix contre 275, elle avait accordé aux conseils municipaux l’élection des maires. M. Thiers bonilit à la tribune, protesta, s’emporta, glapissant de sa voix aigrelette : « Vous voulez l’ordre et vous m’ôtez les moyens de le maintenir ! » Comme argument décisif, il offrit sa démission. Ce fut toujours son moyen de forcer le vote de l’Assemblée, dans toutes les circonstances douteuses. Il en usa jusqu’au jour où, deux ans plus tard, on le prit au mot. L’épileptique Langlois vint au secours du démissionnaire peu consentant : « Vous êtes indispensable, burlait-il, restez ! » M. Thiers se laissa persuader. Un amendement fut présenté et voté, portant que les maires seraient, non plus élus par les citoyens ou par les conseils, mais nommés par le gouvernement dans les villes au-dessus de 20,000 âmes et dans les chef-lieux de départements et d’arrondissements quel que fût le chiffre de leur population. C’était la mainmise du gouvernement sur toutes les villes de France. M. Thiers consentit à retirer sa démission et à reprendre son fauteuil présidentiel, qu’il n’avait jamais eu sérieusement l’intention de céder. L’ensemble de la loi fut voté le 14 avril, par 497 votants ; sept ou huit députés, dont deux bonapartistes, votèrent contre. Il y eut quelques abstentions.

La nouvelle loi municipale établissait donc deux sortes de communes : les petites qui avaient le droit d’élection, les importantes, qui recevaient du gouvernement leur maire, pris, il est vrai, parmi les membres du conseil municipal. Quant à Paris il demeurait toujours hors du droit commun.

M. Thiers, sachant combien cette loi heurterait les sentiments des grandes villes, Lyon, Marseille, Toulouse, qui devaient se considérer comme frustrées et punies, malgré leur sagesse et le peu d’enthousiasme durable qu’elles