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Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/355

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finesse. C’est que Mac-Mahon, élève des Jésuites, était encore plus dissimulé que lui, et personne ne pouvait deviner à cette époque ses calculs secrets, ses arrière-pensées, ses ambitions sournoises. On se méprenait sur son compte. Tout le monde, et la presse aida à propager la légende, considérait le maréchal comme un sot : on le donnait pour un soudard brutal et ignorant, incapable de conduire une intrigue politique. On assurait même qu’il buvait. On le savait très réactionnaire, ennemi intransigeant de la démocratie, mais on ne supposait pas qu’il pût jouer, dans un parti, dans une conspiration, un autre rôle que celui de personnage décoratif. Quelques esprits plus clairvoyants parurent seuls, mais beaucoup plus tard, avoir soupçonné que ce massacreur des parisiens n’était pas tout à fait un gendarme alourdi, désintéressé de la politique, ni si ignorant des choses parlementaires qu’on l’avait supposé. Beaucoup cependant persistèrent longtemps à le croire indifférent aux passions et aux intrigues des partis, et continuèrent à le dédaigner pour son incompétence politique. Aux séances de l’Assemblée de 1872-73, pourtant, son assiduité inexplicable aurait dû mettre en éveil. Députés, journalistes, diplomates, ne se sont pas méfiés, quand ils virent ce soldat qualifié d’obtus, tel qu’un sous-off parvenu, négliger toute affaire pour venir, chaque jour, ponctuellement au théâtre parlementaire, s’enfermer dans une loge étroite du second étage, d’où il suivait, debout, serré dans sa redingote, avec une attentive froideur, les débats, même ceux d’un médiocre intérêt d’affaires pour tous, et qui auraient dû être pour lui mortellement ennuyeux où même incompréhensibles. Jamais député ne fut plus assidu. M. Thiers, qui fut longtemps sa dupe, a pris par la main ce guerrier, pour lui inoffensif, et dont la prétendue nullité le rassurait, et il l’a conduit jusqu’à ce fauteuil, auquel il tenait tant, qu’il ne