Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/380

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rendu compte en juin 48. Mais la lutte dans Paris en mai 71 pouvait être si terrible, devait entraîner tant de pertes, tant de ruines, qu’un armistice suivi d’une pacification était une supposition admissible, à la condition qu’on fût à même de tenir derrière les barricades et de prolonger la guerre de rues.

Il fallait donc barricader Paris. On le laissa ouvert. Cluseret et son successeur Rossel, qui, avec son tempérament d’officier, n’avait que du mépris pour cette guerre plébéienne, prirent bien des arrêtés pour la construction de barricades, mais ils ne tinrent nullement la main à leur exécution.

Une commission de construction des barricades fut cependant nommée, elle fonctionna même. Son président fut Napoléon Gaillard[1], un brave homme, de son état cordonnier, orateur méridional vulgaire, mais applaudi dans les clubs de la fin de l’empire. En son œuvre d’ingénieur improvisé il se montra plein de bonne volonté, mais il fut peu secondé. Il ne bâtit qu’une barricade, superbe il est vrai, mais elle demeura inachevée. Elle s’élevait, comme nous l’avons indiqué plus haut, à l’angle des rues Saint-Florentin et de Rivoli barrant le passage jusqu’à la terrasse du jardin des Tuileries. Elle atteignait la hauteur d’un deuxième étage, et était divisée en deux parties, avec retrait, permettant de passer à couvert de la première barricade à

  1. Napoléon Gaillard, né à Nimes en 1818, cordonnier. Se signale sous l’Empire au moment de l’affaire du cimetière Montmartre, la tombe de Baudin ; est condamné pour excitation à la haine et au mépris du gouvernement. Nombreux discours dans les réunions publiques. Membre de l’Internationale, fait partie du Comité du 2e  arrondissement. Nommé directeur général des barricades, construit les barricades de la place Vendôme et de la rue de Rivoli. Réfugié à Genève, revient à l’amnistie, reprend son métier de cordonnier où il était fort habile, et meurt, en 1907, très épuisé, presque aveugle. Son fils a été également mêlé aux événements. Il était dessinateur et a laissé des croquis amusants sur les orateurs et les personnalités des réunions publiques.