Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/41

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C’était presque la gloire. Proudhon devait comparaître plusieurs fois devant la justice, et les rigueurs du parquet n’allaient pas tarder à l’atteindre.

Dans cette première moitié de son existence, on peut dire qu’il rechercha, sinon les condamnations, du moins le bruit et même le scandale. Il allait au devant de la réprobation. Il s’appliquait au heurt des opinions communes, et poursuivait le succès, avec la renommée, dans la négation provocatrice de vérités vulgaires, d’ailleurs relatives, suspectes, souvent par la suite reconnues fausses ou douteuses. Il s’insurgeait contre les dogmes sociaux devant lesquels s’inclinait la raison du plus grand nombre. Il fut par-dessus tout l’homme des contradictions, non pas seulement économiques, comme l’indique l’un de ses meilleurs livres, mais dans toutes les branches du raisonnement et de la critique.

Tous les groupes, toutes les écoles, tous les partis et toutes les opinions peuvent puiser dans ses ouvrages, comme en un arsenal inépuisable. À la disposition de tous les polémistes, il tient arguments, exemples et épithètes, projectiles meurtriers, redoutables dans une discussion et d’un art destructeur admirable. Il a cependant commenté, expliqué, et atténué aussi, la plupart de ses retentissants paradoxes. Il fut souvent mal compris, plus souvent mal interprété. La magnificence de son style le protège et a fait accepter ses pages Iles plus outrancières. Dépourvues de l’armure de l’éloquence, ses exagérations ironiques et ses déclamations malicieuses paraîtraient parfois faibles et même un peu ridicules. Il étonna toujours et fréquemment il fit peur ; sa joie était alors extrême. Il lui plaisait de se présenter aux contemporains, à la postérité, comme une victime de la méchanceté et de l’ignorance des hommes, et en même temps il jouissait de l’effroi qu’il parais-