Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/416

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plus juste. Ce n’est pas une guerre de salut général ou d’intérêts communs à tous les citoyens, mais une guerre d’opinion, de sentiments particuliers, d’aspirations individuelles et locales aussi. De cette distinction, il résulte que tout homme ne peut être contraint à servir une cause qui m’est pas la sienne propre, ni celle de la totalité de la nation, et qui, par cela même qu’elle divise entre eux les citoyens, ne doit être soutenue que par ceux qui approuvent cette cause et veulent la faire triompher. Donc, dans cette guerre affreuse, l’armée française combattant des français n’aurait dû rencontrer, les armes à la main, que des volontaires.

Cette argumentation pouvait s’appliquer en 1871 aux combattants des deux camps. En se plaçant à un point de vue d’idéale justice, les soldats, qui sont aussi des citoyens, devraient être libres de s’abstenir dans la guerre civile. Hypothèse chimérique, mais non pas absurde. Versailles n’aurait donc dû employer que des volontaires. On fut loin d’agir ainsi. Comme tous les gouvernements en lutte avec les forces populaires, dans tous les temps et dans tous les pays, Versailles pratiquement ne compta que sur l’armée. Les volontaires d’ailleurs, auxquels l’Assemblée fit appel, ne vinrent qu’en petit nombre, ou pas du tout, ainsi que l’a reconnu M. Thiers. On peut répondre que, bien que soumis à l’enrôlement et à l’embrigadement par force, les soldats versaillais pouvaient être considérés comme servant volontairement, puisqu’ils avaient pu partiellement, au 18 mars, refuser de marcher, et, comme certains de leurs camarades, lever la crosse en Vair. Si sur les six ou huit régiments qui, ce jour-là, refusèrent d’obéir à leurs chefs, et se débandèrent, la moitié avait fraternisé avec les insurgés et combattu à leur côté, on aurait dû considérer la lutte comme uniquement engagée entre Volontaires de Ver-