Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/46

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tôt sur les lèvres des superficiels ce jugement tout fait : « Ah oui, Proudhon ! — la Propriété, c’est le vol ! Dieu, c’est le mal ! » Ces deux formules, par leur sonorité provocante, ont sans doute perpétué la notoriété de leur auteur, ainsi qu’il l’avait souhaité et cherché, mais au détriment de la véritable opinion qu’on doit avoir de sa pensée, de sa philosophie, de son savoir et de ses doctrines.

Sous ce costume criard et avec ce faux nez, il est voué à figurer dans la galerie des hommes célèbres. Il demeure ainsi déguisé devant les regards des passants du siècle. IL s’était affublé des oripeaux du charlatan pour attrouper le monde et avait hurlé dans le porte-voix. Il n’a que trop réussi à attirer les badauds, en écartant bien des gens sérieux et compétents. Les écrivains ignorent ce grand prosateur. Plus d’un aurait, avec profit, fait sa connaissance.

Dans l’œil des contemporains, dans la vision de la postérité, sous ce théâtral manteau il est resté fixé. La légende, lierre tenace, couvre toujours l’Histoire et cache la vérité. Et puis, répéter l’opinion courante est si commode ! Il est plus aisé de retenir l’aventure du chien à l’appendice coupé que d’apprendre l’histoire d’Alcibiade.

Ainsi Proudhon a été mal compris et traduit souvent à contre sens. Il a été ignoré aussi, et ce fut une des grandes erreurs de Karl Marx de ne pas reconnaître en lui, pour l’idée socialiste, le précurseur de la Commune. Karl Marx écrit dans son manifeste : La portée historique de la Commune (Londres, 1871) :

Oui, Messieurs, la Commune se proposait d’abolir cette propriété de classe, qui crée, avec le travail du plus grand nombre, la richesse du plus petit. Elle visait à exproprier les expropriateurs. Elle voulait faire de la propriété individuelle une vérité, en transformant les moyens de production, la terre et le capital, qui servent aujourd’hui surtout à asservir et exploiter le travail, en de simples instruments du travail libre et associé.