Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/92

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revolver dans sa gaine. Il leva l’arme, tira en l’air. Ce fut une témérité inutile. Il eût été plus sage, en présence de l’exaspération intense, de prononcer quelques paroles conciliantes, puis de s’effacer. Des interventions se fussent produites, amenant un répit et des diversions, qui eussent permis au commandant de sortir de la bagarre, d’avoir la vie sauve. La détonation, bien qu’inoffensive, exacerba la nervosité ambiante. Peut-être s’il eût tiré en plein, couchant sur le sol un ou deux de ceux qui s’acharnaient sur lui, Arnaud eût-il profité de la stupeur des uns, de la crainte des autres, et aurait-il pu se frayer un passage, et échapper, sauf à répondre par la suite de son acte de violence.

La plus ferme contenance, la résignation, les appels à l’humanité, à la raison, comme les plus touchantes prières n’ont jamais sauvé les malheureux enveloppés dans un tourbillon de menaces et de haines. Dans ces tristes et fréquents épisodes des temps de révolution, mieux que la soumission et la lâcheté, l’énergie et la résistance servent de bouclier,

Au coup de feu inutile, et qui n’intimida personne, des cris de fureur et de mort répondirent. « Il faut le juger ! » hurlèrent vingt voix. Aussitôt des poignes solides s’abattent sur Arnaud. Il est maintenu, paralysé. Vainement il se débat et proteste encore. On le soulève, on l’emporte. Il est déposé au pied de la tribune, aussitôt transformée en tribunal. Un jury martial s’improvise. Des noms sont lancés. Des jurés sommaires prononcent rapidement la peine de mort. Arnaud, sur un banc, où ses accusateurs le gardent, veut encore se justifier. Il essaie de prononcer quelques paroles. Des huées couvrent sa voix. On l’entraîne violemment au dehors. Il est nu-tête, du sang coule sur ses joues. Il est poussé dans la rue. Des faces contrac-