Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/370

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tournure artistique et joue au gothique assez bien. La patine, peut-être, du temps écoulé, et la distance me la montrèrent alors, comme d’ailleurs le vers dont je viens de citer un fragment, me les avait évoquées, rouge sang, ces briques qui me paraissaient autrefois, de près, et peu d’années après leur emploi, rose pâle presque. (Mes Prisons, p. 77.)


Avec une grande résignation, et une fermeté d’âme qu’on aurait pu lui dénier, car il n’avait rien d’un stoïcien, Verlaine supporta l’exorbitante pénalité dont il avait été si rudement frappé. Il s’arma de patience, fit provision d’énergie, et courageusement se mit au travail, en comptant les jours sans trop d’amertume. Mais il eut des heures de torture dans son isolement : le souvenir de sa femme lui faisait subir la tourmente. Cette douloureuse obsession ne l’abandonna pas un instant, alors. L’absente hantait ses visions de détenu, et sa cellule trop souvent s’animait du fantôme de la séparée.

Il était comme possédé, dans le sens où entendaient ce terme les anciens exorcistes, et la vieille légende des philtres ici peut se rajeunir. Cette femme avait-elle donc fait boire un poison mystérieusement attractif à ce mari, dont elle souhaitait être délivrée légalement, irrévocablement ? Mais quel philtre ? Quel poison ? Ne l’accusons pas. Elle n’a versé aucun élixir de maléfice et n’a jamais pratiqué d’enchantement. Le pauvre garçon fut victime de sa propre sorcellerie et s’est intoxiqué lui-même. C’est par une sorte d’autosuggestion, qu’il a sans cesse ramené dans sa pensée, dans son for intérieur, celle qui voulait si fortement s’éloigner de lui. Il y a sans doute, dans ce sentiment bizarre, l’amour croissant avec la résistance, le désir multiplié par l’éloignement, un phénomène de mécanique passionnelle, mais il s’y trouva aussi, chez Verlaine, comme un souhait de retour à la vie régulière,