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« Mourir, dormir ! » a dit Shakespeare. Si ce n’est
Que ça, je cours vers la forêt que l’on connaît,
Et puisque c’est fictif, j’y vais pendre à mon aise
Ton beau poète blond, faune barbizonnaise !


Mon bon souvenir à ta sœur. J’ai souvent de vos nouvelles par ma mère, un peu souffrante en ce moment. Je sais que Laure va souvent la voir dans la solitude, où, selon moi, elle a tort de se confiner, — et je lui suis très reconnaissant de cette bonne attention. Ma mère viendra très probablement me voir le mois prochain, après Pâques. Elle séjournera sans doute quelques semaines à Bruxelles, où elle verra, s’il y a lieu, à travailler en vue d’une réduction de peine qui serait la bienvenue, car c’est effroyablement long, et ma santé, mentale et physique, ne va pas, depuis quelques semaines surtout, sans quelques impedimenta. J’ai particulièrement des lacunes de mémoire, parfois, et des absences qui m’agacent et finiraient par m’inquiéter. J’espère surmonter tout cela, mais, je répète, une réduction de peine me trouverait aussi rassuré que reconnaissant.

En effet, la vie en prison n’est pas faite pour vous exciter à un travail intellectuel quelconque. Tu parles de vers, — il y a beau temps que cela est given up and over ! [abandonné]. Tout ce que je peux faire est de piocher ce sempiternel angliche. À vrai dire, je le possède assez bien à l’heure qu’il est, pour lire, sans beaucoup recourir au dictionnaire, des romans de la collection Tauchnitz, qui font partie de la Bibliothèque d’ici. J’ai l’intention de traduire, pour plus tard livrer à Hachette, un remarquable ouvrage de Lady Gullerton : Ellen Middleton.

En attendant, j’ai là, tout prêt pour la Renaissance — puisqu’on y paye !!! — un délicieux conte, non traduit encore, de Dickens. Quand ma mère viendra, je demanderai à lui faire passer ce petit manuscrit d’une dizaine de pages. Elle te l’enverra, et si la Renaissance ne l’accepte pas, tu me ferais l’amitié de voir à le colloquer à quelque autre boîte payante, — et d’en encaisser pour moi le prix. À quelque chose malheur est bon, et je compte bien, une fois dehors, utiliser ma nouvelle acquisition en entreprises de ce genre : il y a à Londres une foule de braves écrivains pleins de talent, parfaite-