Page:Lepelletier - Paul Verlaine, 1907.djvu/390

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ment inconnus en France, et qui accepteraient avec enthousiasme de se voir traduits en notre idiome. Le tout n’est pas de les trouver, — ils pullulent, — mais de trouver un entrepreneur de traductions payantes, autre que ceux déjà en exercice. À la rigueur, je fonderais une « maison » (il n’y a pas de petits commerçants). Une idée pareille n’a rien de risqué, on peut y gagner de l’argent, et par-dessus le marché, ce serait une bonne action littéraire.

Ceci n’est qu’un de mes projets, car j’ai l’intention, une fois sorti, de rentrer à Paris (après quelques démarches à Londres afin d’assurer la sécurité absolue de mon retour), et là, je crois pouvoir compter sur une place sérieuse et fixe. Je suis payé pour ne rien donner au hasard : et mon commencement sera de jeter cette ancre de salut : un emploi ; les aventures traductionnelles et littéraires prendraient rang après. — Te dirais-je que je ne désespère pas trop de rentrer à l’Hôtel de Ville ? Après tout, je ne suis ni un déserteur, ni un « communard », comme plusieurs que nous connaissons, et qui émargent tranquillement, à l’heure qu’il est. Et quant à mon emprisonnement, il n’a rien, j’ose m’en flatter, qui déshonore, et c’est avant tout un malheur, mais un malheur réparable, je crois.

Voici que je bavarde. Je m’arrête pour te recommander de n’être plus si lent dorénavant à m’écrire. D’ailleurs tu me dois communications « dessur » mon livre, et les articles qui pourront avoir lieu. Ne crains pas de me donner des nouvelles (pas politiques d’ailleurs, je m’en passe très volontiers). Les bruits du dehors, quand ils m’arrivent sont trop distants, et pour ainsi dire trop immémoriaux pour m’être importuns ou lancinants. Donc donne-toi carrière, et sois fidèle à ta promesse de ne pas trop tarder à m’écrire.

À toi.
P. V.


Autre lettre, indiquant les réserves et la discrétion qu’il désirait me voir garder sur ses sentiments de néophyte. On remarquera aussi ses velléités de prosélytisme. Il paraît songer à me convertir. La prison et le mysticisme l’avaient sensiblement détraqué.