Et sur mon cœur qu’il pénétrait, plein de pitié,
Par un chemin semé des fleurs de l’amitié !…
Quand il le désigne, le jeune ami ravi si brutalement à son affection, c’est toujours à l’aide de périphrases séraphiques : « l’ange ignorant de nos routes », puis c’est « le pur esprit vêtu d’une innocente chair ». Il le dénomme à plusieurs reprises « son bon ange ».
Comme il le voyait en imagination, militaire, mourant même de la mort brillante et tapageuse du soldat, et non, dans une salle d’hôpital, la typhoïde « confuse » l’abattant, il lui arrivait de rêver pour lui mariage dans l’avenir, et de lui découvrir idéalement une fiancée. Ce sont, disait-il, des rêves que, pour le fils de son nom, fait un père de chair. Sa paternité « spirituelle » reproduisait ces songes du futur et ces projets d’établissement. Il évoquait « la parfaite, la belle et sage fiancée » :
Je cherchais, je trouvais, jamais content assez.
Amoureux tout d’un coup et prompt à me reprendre,
Tour à tour confiant et jaloux, froid et tendre,
Me crispant en soupçon, plein de soins empressés ;
Prenant ta cause enfin, jusqu’à tenir ta place,
Tant j’étais tien, que dis-je là ? tant j’étais toi,
Un toi qui t’aimait mieux, savait mieux qui et quoi.
Discernait ton bonheur de quel cœur perspicace !
Puis, comme ta petite femme s’incarnait,
Toute prête, vertu, bon nom, grâce et le reste.
Ô nos projets ! Voici que le Père Céleste,
Mieux informé, rompit le mariage net…
Ces vers d’Amour et d’autres de Bonheur, donnent à cette affection de Verlaine pour Lucien Létinois, jeune homme lilial, un caractère évident de pureté