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Page:Leprince de Beaumont - Le Magasin des enfants, 1843.djvu/110

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LE MAGASIN DES ENFANTS.

qu’elle la fait sortir, c’est pour lui amener compagnie. » En même temps le portier siffla, et plusieurs domestiques parurent avec des flambeaux, et conduisirent le prince dans un appartement bien éclairé. Les meubles de cet appartement n’étaient pas magnifiques, mais tout élait si propre et si bien arrangé, que cela faisait plaisir à voir. Aussitôt il vit paraître la maîtresse de la maison. Le prince fut ébloui de sa beauté, et, s’étant jeté à ses pieds, il ne pouvait parler, tant il était occupé à la regarder. « Levez-vous, mon prince, lui dit-elle en lui donnant la main. Je suis charmée de l’admiration que je vous cause : vous me paraissez si aimable, que je souhaite de tout mon cœur que vous soyez celui qui doit me tirer de ma solitude. Je m’appelle Vraie-Gloire, et je suis immortelle. Je vis dans ce château depuis le commencement du monde, en attendant un mari. Un grand nombre de rois sont venus me voir ; mais quoiqu’ils m’eussent juré une fidélité éternelle, ils ont manqué à leur parole, et m’ont abandonnée pour la plus cruelle de mes ennemies. — Ah ! belle princesse, dit Charmant, peut-on vous oublier quand on vous a vue une fois ? Je jure de n’aimer jamais que vous, et, dès ce moment, je vous choisis pour reine. — Et moi je vous accepte pour mon roi, lui dit Vraie-Gloire ; mais il ne m’est pas permis de vous épouser encore. Je vais vous faire voir un autre prince qui est dans mon palais, et qui prétend aussi m’épouser. Si j’étais la maîtresse, je vous donnerais la préférence, mais cela ne dépend pas de moi. Il faut que vous me quittiez pendant trois ans, et celui des deux qui me sera le plus fidèle pendant ce temps aura la préférence. »

Charmant fut fort affligé de ces paroles ; mais il le fut bien davantage quand il vit le prince dont Vraie-Gloire lui avait parlé. I était si beau, il avait tant d’esprit, qu’il craignit que Vraie-Gloire ne l’aimât plus que lui. Il se nommait Absolu, et il possédait un grand royaume. Ils soupèrent tous deux avec Vraie-Gloire, et furent bien tristes quand il fallut la quitter le matin. Elle leur dit qu’elle les attendait dans trois ans, et ils