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Page:Leprince de Beaumont - Le Magasin des enfants, 1843.djvu/111

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SEPTIÈME DIALOGUE.

sortirent ensemble du palais. À peine avaient-ils marché deux cents pas dans la forêt, qu’ils virent un palais bien plus magnifique que celui de Vraie-Gloire : l’or, l’argent, le marbre, les diamants éblouissaient les yeux ; les jardins en étaient superbes, et la curiosité les engagea à y entrer. Ils furent bien surpris d’y trouver leur princesse, mais elle avait changé d’atours, sa robe était toute garnie de diamants, ses cheveux en étaient ornés, au lieu que la veille, sa parure n’était qu’une robe blanche garnie de fleurs. « Je vous montrai hier ma maison de campagne, leur dit-elle. Elle me plaisait autrefois ; mais puisque j’ai deux princes pour fiancés, je ne la trouve plus digne de moi. Je l’ai abandonnée pour toujours, et je vous attendrai dans ce palais, car les princes doivent aimer la magnificence. L’or et les pierreries ne sont faits que pour eux ; et quand leurs sujets les voient si magnifiques, ils les respectent davantage. » En même temps, elle fit passer ses deux fiancés dans une grande salle. « Je vais vous montrer, leur dit-elle, les portraits de plusieurs princes qui ont voulu m’épouser. En voilà un qu’on nommait Alexandre, que j’aurais épousé, mais il est mort trop jeune. Ce prince, avec un fort petit nombre de troupes, ravagea toute l’Asie et s’en rendit maître. Il m’aimait à la folie, et risqua plusieurs fois sa vie pour me plaire. Voyez cet autre : on le nommait Pyrrhus. Le désir de devenir mon époux l’a engagé à quitter son royaume pour en acquérir d’autres ; il courut toute sa vie, et fut tué malheureusement d’une tuile qu’une femme lui jeta sur la tête. Cet autre se nommait Jules César : pour mériter mon cœur, il a fait pendant dix ans la guerre dans les Gaules ; il a vaincu Pompée et soumis les Romains. Il eût été mon époux ; mais ayant, contre mon conseil, pardonné à ses ennemis, ils le tuèrent de vingt-deux coups de poignard. » La princesse leur montra encore un grand nombre de portraits, et leur ayant donné un superbe déjeuner, qui fut servi dans des plats d’or, elle leur dit de continuer leur voyage. Quand ils furent sortis du palais, Absolu dit à Charmant : « Avouez que la princesse était mille fois plus aimable aujourd’hui avec

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