Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Evelyn hésita un moment, comme s’il eût voulu décliner cette mission ; mais, en voyant le regard d’étonnement que lui lança madame d’Aulnay, il prit les gravures, traversa la chambre et alla trouver Antoinette. Ce fut brusquement et froidement qu’il l’aborda :

— Mademoiselle, dit-il, plutôt que de provoquer les questions de madame d’Aulnay et d’exciter ses soupçons, je vous apporte ces images qu’elle m’a chargé de vous remettre.

— Oh ! colonel Evelyn, balbutia la pauvre Antoinette, quelle opinion devez-vous avoir de moi ?

— Je vais vous la dire franchement, répondit-il avec une amertume qu’il s’efforça de déguiser. Mon premier amour m’avait appris à détester votre sexe ; vous, mon second amour, vous m’apprenez à le mépriser. Elle, quoîqu’infidèle à mon égard, a été au moins fidèle à celui qui m’avait supplanté ; vous, il y a quelques semaines à peine, vous preniez le ciel à témoin que vous n’aimiez pas Audley Sternfield, et il y a une heure je vous trouve dans les bras de ce même Sternfield qui vous embrassait au front et sur les lèvres !

— Pitié ! soyez miséricordieux ! — implora-t-elle, les lèvres blêmes et tremblantes.

— Non, Antoinette de Mirecourt, je n’aurai pas de pitié pour vous, car vous n’en avez pas eu pour moi. Sternfield ou d’autres de sa trempe pourraient vous pardonner, car leur amour passe aussi facilement qu’il vient : moi, je ne le puis pas. Ah ! jeune fille, vous