Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/76

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Antoinette hésita un instant, puis elle répondit timidement, sans cependant pouvoir réprimer un léger sourire qui était venu effleurer ses lèvres :

— On dit qu’une grande criante neutralise presque une autre crainte ; eh ! bien, terrifiée que j’étais pas la course effrénée des chevaux, j’avais également peur de vous.

— Comment ? de moi : s’écria-t-il étonné.

— Oui, de vous. En premier lieu, je ne me trouvais dans votre voiture que grâce à une simple politesse ; je vous avais été imposée, sans être désirée ni demandée : j’étais donc doublement loin de me trouver à l’aise… Oh ! ne m’interrompez pas, continua-t-elle pendant qu’Evelyn essayait par quelques mots de dissentiments de combattre cette idée.

Mais il se rappela aussitôt, avec quelque chose comme un remords, le jugement sévère qu’il avait porté sur elle avant qu’elle montât en voiture.

— En second lieu, poursuivit Antoinette…

Ici la jeune fille se sentit plus embarrassée et s’arrêta.

— Et quoi, en second lieu ? demanda son interlocuteur tant soit peu intrigué.

— Eh ! bien, on m’avait dit que vous étiez un ennemi invétéré des femmes. J’étais donc autorisée à croire que vous ne manifesteriez qu’une bien faible indulgence pour les criantes ou les caprices d’une femme.

À ces mots une apparence de douleur mental chassa le sourire qui s’était fait remarquer depuis quelques instants sur le visage du colonel, et ce fut presqu’involontairement qu’il répondit :