Page:Leprohon - Antoinette de Mirecourt ou Mariage secret et chagrins cachés, 1881.djvu/77

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— La réputation peu enviable que vous me donnez a été gagnée et portée par plusieurs simplement parce qu’ils pratiquent la prudence qui leur a été enseignée par l’expérience.

Ces mots furent prononcés d’un ton bas et contraint, et celui qui lui avait murmurés s’approcha de la petite fenêtre comme pour mettre fin à cette conversation.

Soudainement le bruit de deux coups de fusils tirés presque sans intermission fit bondir la jeune fille dont le système nerveux, malgré le calme apparent qu’elle affectait, avait été violemment, ébranlé par la scène de tout à l’heure, et une exclamation de terreur s’échappa de sa bouche. De son côté, le militaire avait tressailli en entendant ce bruit ; mais presqu’aussitôt il recouvra son sang froid, et, se tournant vers Antoinette, il lui dit avec bienveillance :

— N’ayez pas peur, mademoiselle de Mirecourt : c’est notre hôte qui vient d’accomplir un acte de charité en mettant fin aux atroces souffrances de mes pauvres chevaux mutilés.

— Quoi ! tués tous les deux ?

Et, involontairement, la jeune fille joignit ses mains l’une dans l’autre.

— Oui. Après avoir bien examiné leur triste condition et m’être convaincu que leur laisser la vie dans cet état serait prolonger inutilement leur cruelle agonie, j’ai envoyé notre obligeant assistant chercher son fusil dans une maison voisine, et je lui ai laissé