triste de la dernière cérémonie elle-même furent passés, Armand fit ses préparatifs pour retourner de suite à Montréal. Son frère et lui s’étaient rarement rencontrés dans l’intervale, et ils avaient alors simplement échangé de petits saluts. Chacun sentait que sa présence était une contrainte douloureuse pour l’autre.
Ce soir-là, comme Armand venait de visiter la tombe de son père, il vit venir vers lui une élégante et délicate figure dont l’apparition fit battre violemment son cœur : c’était Gertrude de Beauvoir, et, aussi vite que la pensée, il eut la conviction qu’elle était l’auteur des quelques lignes anonymes qui l’avaient si mystérieusement appelé auprès du lit de mort de son père. Elle croyait probablement qu’il était un fils sans cœur et dénaturé, se détournant des plus saints appels de l’affection pour n’écouter que la voix du plaisir et de la dissipation. Il ne pouvait se faire à l’idée de demeurer sous le poids de sa censure, de ses reproches, de son mépris, lorsqu’il n’en méritait aucun ; malgré les palpitations tumultueuses de son cœur, il allait donc l’aborder et se disculper. Elle paraissait si élégante, si noble, que son courage lui manqua presque lorsqu’il l’approcha. Il fit un effort sur lui-même et la salua profondément. Elle répondit à sa politesse par un petit salut de connaissance, si froid, qu’il recula malgré lui. Cependant, au désespoir et désirant ardemment se réhabiliter dans son estime, il avança de quelques pas.