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LE MANOIR DE VILLERAI

— Comment es-tu, chère Pauline ? demanda affectueusement madame de Rochon, en interrompant son tricot et souriant amicalement à la nouvelle arrivée.

— Assez bien, ma tante, reprit faiblement celle-ci ; mais vraiment, si je ne vous aimais pas autant, je me priverais complètement du plaisir de venir vous voir ; vos escaliers me font mourir.

Ici Rose, surprise, jeta un regard furtif sur la dame, car dans sa taille bien arrondie et dans ses yeux brillants, elle ne voyait aucune preuve extérieure d’une telle faiblesse.

Soit que madame de Rochon fût accoutumée à ce langage exagéré, soit qu’elle ne voulût point blesser la susceptibilité de sa nièce, elle ne fit voir ni surprise ni incrédulité, mais elle demanda seulement si M. de Nevers était bien.

— Oh ! papa est très bien, reprit-elle nonchalamment ; mais il souffre toujours comme d’ordinaire de son rhumatisme. Je ne saurais vous dire combien je suis fatiguée de ses douleurs, car papa ne parle pas d’autre chose toute la journée.

— Sans doute, ma chère ; mais c’est parce qu’il souffre énormément, reprit gravement madame de Rochon. Crois-moi, les migraines et les langueurs dont tu te plains si souvent, sont loin de faire souffrir autant que la pénible maladie de ton père.

— Je ne crois pas cela, ma tante, et mademoiselle de Nevers détacha son élégant chapeau et le mit négligemment sur une table voisine. Les hommes sont si peu accoutumés à souffrir, qu’ils font un vacarme ridicule pour la moindre bagatelle.

-— Bien ; nous ne discuterons pas davantage cette question, fit la bonne dame en souriant. J’espère seulement que tu ne deviendras jamais capable de juger par ta propre expérience de la différence entre les deux maladies. Mais qu’as-tu donc fait toute la semaine dernière, Pauline ?

— Je suis allée aux soirées et aux bals ; j’ai fait des conquêtes et blessé des cœurs.

— Les cœurs, ma chère nièce, doivent être vraiment bien faibles pour se laisser prendre aussi facilement.

— Que dites-vous là, ma tante ? s’écria la jeune fille d’un air boudeur. Tenez, il y a, par exemple, le capitaine Fré-