paraissez agitée, inquiète ; êtes-vous fatiguée de moi ? Bien, je vais partir, et c’est probablement notre dernière entrevue d’ici à longtemps. Dans deux jours je vais rejoindre mon régiment à Québec, où peut-être nous ne tarderons pas à avoir de l’ouvrage. Mais ne devenez pas si pâle, Rose. Parce que je dois rejoindre mon régiment, il ne s’en suit pas que je cours du danger.
— Mais, vous êtes encore malade.
— Ah ! Rose, si j’étais à moitié aussi bien de cœur que je le suis de corps, il n’y aurait pas de plus fort et de plus gai soldat que moi sous les drapeaux du roi Louis ; mais il faut que je vous dise adieu. Je ne sais si nous devons bénir ou regretter le jour où nous nous sommes d’abord rencontrés, mais assurément que nous n’avons apporté l’un à l’autre que du chagrin et de la peine. Dites-moi, Rose, dites-moi seulement un mot. Si c’était en votre pouvoir, effaceriez-vous ce jour de votre vie et de votre mémoire ?
Penché vers elle, il contemplait avec anxiété sa douce figure rougissante ; et quand elle murmura : — Non ! il pressa sa main avec passion.
— Merci, mille fois merci, même pour ce seul mot ! Ah ! quoiqu’il arrive maintenant, ce jour a été le plus beau, le plus cher de mon existence !
Encore une ardente parole d’adieu, mille baisers sur ses mains, puis il avait disparu. Il était parti, laissant un vide profond dans ce jeune cœur, qui même avec la persuasion d’un devoir accompli, ne fut jamais rempli par l’enthousiasme de la reconnaissance et du sacrifice de soi-même.
Madame de Rochon rentra environ une demi-heure après, et ne trouvant pas Rose dans le salon, elle alla la chercher dans sa chambre. Elle la trouva couchée sur un sofa, le visage très pâle, tandis que ses yeux étaient rouges et gonflés de larmes.
— Êtes-vous malade, petite ? demanda-t-elle avec bienveillance, en prenant dans ses mains les mains brûlantes de la jeune fille, négligemment jointes ensemble, contre son habitude. Voyons, dites-moi, Rose, si c’est une douleur mentale ou physique.
Celle-ci ne répondit que par un sanglot étouffé, et madame