Aller au contenu

Page:Leprohon - Le manoir de Villerai, 1925.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
143
LE MANOIR DE VILLERAI

de Rochon la regarda un instant avec un intérêt rempli d’une anxiété chagrine.

— Ma chère enfant, dit-elle enfin en prenant sa main, je ne veux pas vous forcer à me faire vos confidences ; mais puis-je vous demander le nom de ce jeune officier qui est venu vous voir il y a un instant ?

— Gustave de Montarville, répondit Rose en hésitant ; et en même temps, la pensée de tous les soupçons que ce nom exciterait dans l’esprit de madame de Rochon, la fit profondément rougir.

Malgré sa théorie, que la rougeur est souvent une preuve d’innocence, théorie développée quelques jours auparavant à Pauline de Nevers, nous devons avouer qu’en cette occasion madame de Rochon parut presque aussi incrédule que sa nièce elle-même ; car d’un ton de froide surprise, elle répéta :

— Le capitaine de Montarville, le fiancé de mademoiselle de Villerai ?

Un sanglot fut la seule réponse de Rose.

— Rose ! Rose ! continua gravement madame de Rochon, je n’aime pas cela. Qu’est-ce que le capitaine de Montarville peut-il avoir d’assez important à vous communiquer pour vous retenir avec lui pendant presque une heure, et vous quitter ensuite tout émue, toute sanglotante ? Assurément, mon enfant, les soupçons de Pauline de Nevers ne peuvent être vrais : vous n’êtes pas une coquette intrigante, une hypocrite pleine d’artifices, comme elle voudrait me le faire croire. Et pourtant, que dois-je penser ? Quant à de Noraye, je n’y ai pas même songé une seconde fois ; car je ne doutais pas qu’il ne se fût présenté à vous que par accident ou dans une circonstance analogue. Mais le capitaine de Montarville, en venant aujourd’hui vous voir, vous a demandée par votre nom, et vous l’avez reçu. Je renouvelle la question que ma nièce vous a posée l’autre jour, à propos du vicomte de Noraye : où avez-vous rencontré Gustave de Montarville ? À Villerai, dites-vous. Oh ! Rose, Rose, si vous ne voulez pas être mal jugée, si vous voulez dissiper le trouble de mon esprit, dites-moi ce que vous a communiqué ce brillant homme du monde, qui vous a tant émue, jusqu’à quel point s’étendent vos relations ensemble.