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BALAOO

Balaoo, une joie indicible en se frappant des coups sur la poitrine, là-bas, au fond de la forêt de Bandang, pas bien loin des villages de roseaux, suspendus au-dessus des marécages. Ils se frappaient sur la poitrine comme des chanteurs hommes qui vont chanter, et ils en sortaient le tonnerre. Ah ! ça ne traînait pas !… Cachés derrière les palétuviers, ils voyaient aussitôt ceux de la race humaine les plus braves, même les dayacks qui sont armés de flèches, fuir, comme des rats d’eau, à la recherche d’un abri, d’un kampong bien fortifié, derrière lequel on les entendait implorer Patti-Palankaing, le roi des animaux lui-même. On riait bien dans ce temps-là !

Balaoo était sur ses bottes. Il pensait que, maintenant, dès qu’il imitait la voix du tonnerre, il était grondé en rentrant à la maison. Et il y avait de quoi, certainement, car enfin il risquait qu’on s’aperçût un beau jour que le tonnerre, c’était lui. Et le maître lui avait dit carrément qu’il ne répondrait plus de rien, de rien !… Ceux de la race humaine le traiteraient comme un gorille ou un vulgaire gibbon. Il irait dans une cage : ce serait bien fait. Il devait réfléchir à cela. Il réfléchissait surtout, dans le moment, au coup qu’il venait de faire à Riom.

Et comme, à la dernière lueur du jour, il vit passer, sur la route, deux gendarmes, les poils ras du sommet de sa tête se hérissèrent et commencèrent de se mouvoir rapidement, signe indiscutable d’effroi… et de colère.

Il trouvait que les gendarmes ne s’en allaient pas assez vite. Il était en retard. Depuis deux jours qu’il était parti, que devaient dire son maître et Mlle Madeleine ? Il entendait déjà leurs reproches : ils avaient dû le chercher, l’appeler dans la forêt. Tout de même, avant de