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BALAOO

rentrer, il devait aller prévenir Zoé du coup qu’il avait fait à Riom.

La route était libre. Il la traversa d’un bond et, à travers champs, courut vers la masure des Trois Frères Vautrin.

Quand il poussa la porte, une ombre, accroupie au coin de l’âtre, demanda :

— Qui est là ?

Il répondit :

— C’est moi, Noël.

La voix de Balaoo était à la fois sourde et gutturale, raclant les syllabes au fond du gosier. On avait usé des flacons de sirop à lui humaniser cette voix-là. Elle était un peu déchirante, énervante, mais point déplaisante à entendre. Et même, avec cette voix-là, comme il avait le génie de l’imitation, il arrivait à imiter bien des voix ; mais sa voix naturelle, à lui, faisait plaindre une laryngite incurable. Quand il tentait de l’adoucir, en parlant aux demoiselles, elle produisait un sifflement bizarre qui faisait rire, ce dont il souffrait beaucoup. Il racontait couramment que c’était l’abus du bétel qui lui avait procuré cette singulière atonie, au temps de sa jeunesse. Mais, bien entendu, depuis qu’il était au service du bon maître Coriolis, il ne chiquait plus !

— C’est moi, Noël !…

L’ombre, au coin de l’âtre, s’était levée et une autre ombre, au fond d’une alcôve, dans la muraille, s’était dressée sur son séant. La mère Vautrin, l’impotente, et la petite Zoé l’interrogeaient.

Zoé craquait une allumette. Balaoo la bouscula, mit sa botte sur le bois enflammé. Il signala les gendarmes sur la route et fit comprendre qu’il ne voulait pas être