Page:Leroux - Balaoo, 1912.djvu/162

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
146
BALAOO

déposée sur une poitrine formidable, ne s’occupe que de ses invitées. Le cabaret fermé, on a vu arriver M. le Maire et Mme Jules, son épouse ; M. Sagnier notaire, et Madame qui a de si belles perles fausses ; M. Valentin, le pharmacien, et Madame qui est la seule femme du pays qui se farde — et comment ! — et qui est aussi la seule femme du pays pouvant se vanter d’avoir eu une aventure, l’automne dernier, aux grandes manœuvres, avec un officier de cavalerie. Tout ce beau monde est venu admirer « le chef-d’œuvre de l’industrie française », prêt à partir pour la Cour de Russie.

Mais ces dames quittèrent peu à peu la salle d’été pour aller rejoindre, au cabaret, leurs maris qui, en dégustant une vieille bouteille, parlaient, autour de l’âtre, de l’affaire Vautrin. Ah ! on avait parlé de cette affaire-là depuis l’arrestation ! Mais il semblait qu’elle fût toujours nouvelle. Maintenant qu’ils allaient être guillotinés, et qu’on n’avait plus à les craindre, on était comme fier d’avoir eu si peur !

Personne cependant ne voulait convenir de ses transes, au contraire. C’était à qui avait dénoncé les Vautrin à la « vindicte publique » ! Par la porte entr’ouverte, les brodeuses qui ne pensaient, elles aussi, qu’aux Trois Frères, écoutaient le pharmacien et le notaire se vanter de leur propre courage en Cour d’Assises où ils avaient accablé de leurs témoignages les bandits. Il est vrai qu’alors la condamnation était certaine, et cette certitude n’avait certainement pas été étrangère à l’attitude héroïque de MM. Valentin et Sagnier et de l’excellent docteur Honorât qui s’était particulièrement distingué.

— C’est le docteur qui les a fait condamner à mort, proclame le Maire avec autorité et, je le répète, il l’a fait