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BALAOO

La robe de l’Impératrice intriguait le concierge. Il voulait savoir si c’était pour s’en revêtir que Balaoo avait apporté cette parure, et si on verrait bientôt son maître se promener dans cette belle robe blanche. Il la retournait avec son bec et trouva le moyen de lui arracher un bout de dentelle, ce qui lui valut une gifle.

— Tu as tort de te fâcher, exprima le général Captain, en se mettant hors de portée, je suis sûr qu’elle t’irait joliment bien.

— Général Captain, fait Balaoo sur un ton négligent, tu ne sais pas ce que c’est que le jacarei ?

— Jacarei ? Non, Balaoo.

— C’est un crocodile de la forêt de Bandang. Quand la panthère de Java commence à le manger par la queue, il ne bronche pas d’une semelle ; quand la panthère de Java en a mangé la moitié et que sa faim, pour ce jour-là est apaisée, la panthère s’en va, mais le jacarei reste. Oui, ma parole, il reste, attendant que la panthère revienne manger, le lendemain, son autre moitié. Est-il bête, hein ?

— Pourquoi me racontes-tu ça ? demande le concierge, abruti.

— Pour que tu saches bien que, dans la forêt de Bandang, il y a tout plus beau qu’ici ! Ainsi le jacarei est encore plus bête que toi ! mais ne t’y fie pas, général Captain. Certes ! ce n’est pas moi qui te mangerai jamais par la queue ; mais mon ami As pourrait bien, si je le lui permettais, être moins dégoûté. (À ce moment, on gratta à la porte. Balaoo ordonna à son domestique d’ouvrir, car il avait reconnu un grattement ami ; et As, justement, le renard, entra, une poule dans la gueule et saluant de sa queue en trompette).