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BALAOO

— Oui, mais ils nous tuent, nous autres, dans la forêt, et c’est pour nous manger.

— Tu te vantes, dit Balaoo, en haussant les épaules, les Trois Frères ne mangent jamais de renard. Les hommes ne mangent pas le renard. Tu n’es même pas bon à manger, pour ceux qui mangent de tout, ce qui ne veut pas dire que les Trois Frères ne te tueront pas, car ils n’aiment pas les bavards. Ce sont les bons et les mauvais côtés de la vie de la forêt. Et, maintenant, mon vieux As, tu vas me laisser dormir.

— On peut dormir, dit As, qui comprit qu’on le mettait à la porte, lorsque, comme toi, on a le cœur tranquille et qu’on est l’ami des hommes. Dis donc, Balaoo, il y a un pendu au premier arbre à gauche sur la route de Riom, tu devrais aller le décrocher.

Balaoo sauta sur la patte d’As et faillit la lui briser.

— Qui est-ce qui t’a dit ça ?

— On ne me l’a pas dit, je l’ai vu ! annonça As, en tirant sa patte qu’il lécha.

— Qu’est-ce que tu as vu ? gronda Balaoo.

As jeta un coup d’œil de côté et vit que la porte était restée entr’ouverte :

J’ai vu que tu lui remettais sa cravate, jeta-t-il en bondissant hors du petit « pied-en-l’air» du Grand Hêtre de Pierrefeu.

Balaoo courut jusque sur le seuil, mais l’autre était déjà au diable. On entendait son petit rire déplaisant dans les lointains ténébreux et feuillus.

Balaoo, qui étouffait de rage, ne trouva, pour exprimer son courroux animal, qu’un mot de la langue homme :

— Saloperie !