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BALAOO

par mille ailes et mille pattes, et les branches par terre craquèrent comme du bois sec qui brûle. Et, d’un coup, Moabit s’emplit de la troupe innombrable des bêtes épouvantées. Elles se précipitaient comme aveuglées dans la forêt et tournaient, tournaient comme des animaux qu’on fouette dans un cirque. Les lapins arrivaient par bataillons. On marchait dessus. Et toutes les branches des arbres étaient pleines d’oiseaux. Un vieux cerf leva vers la lune sa ramure désespérée. Une famille de sangliers avec ses marcassins avait tellement peur, qu’oubliant toute précaution, elle se laissa choir dans un trou sans fond de la vieille carrière. C’est en vain que Balaoo essayait de calmer tout ce monde, en affirmant que ceux de la Race n’oseraient jamais s’aventurer au-dessus des carrières de Moabit. Ce n’était dans tout le cirque que pleurs et gémissements, à cause aussi de la présence des Trois Frères dont on se serait bien passé. Il est vrai que les Trois Frères ne tuaient jamais les bêtes devant Balaoo, et toute la forêt savait cela.

Hubert fit taire Balaoo qui recommençait à vouloir donner de la confiance aux foules, et lui dit à l’oreille :

— On voit bien que tu n’as jamais fait ton service militaire. Ils iront jusqu’où on leur dit d’aller. C’est ça la consigne. Et tu verras qu’ils viendront jusqu’ici.

— Tant pis pour eux ! fit simplement l’anthropopithèque.

Sur quoi il demanda à ce qu’on lui fît place sur un arbre, et il grimpa jusqu’à la cime. Il en redescendit presque aussitôt.

— Les voilà, dit-il, attention !

Et, comme il avait remis son pantalon, il l’ôta, pour être plus à son aise.