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BALAOO

Elle y alla.

Il y avait quatre morts et vingt-sept blessés.

La première victime était le vicomte de Terrenoire, mort au champ d’honneur, à la tête de ses troupes, le crâne fracassé comme une coquille de noix. C’était lui qui se trouvait sous le premier manteau, et il avait été déposé en grande pompe sur le pupitre de la salle des mariages. Les trois autres morts, de simples soldats, avaient été alignés par terre, à même le plancher de la salle des délibérations du Conseil municipal.

Autour de ces quatre héros, il y avait beaucoup d’éclopés, de bras et de jambes cassés, de nez démolis ; mais le plus abîmé était certainement le colonel de Briage, à qui il était arrivé une aventure inouïe sur laquelle il ne pouvait malheureusement s’expliquer, car il était revenu la mâchoire en capilotade, les dents brisées et la langue coupée. En sus, les deux poignets rompus. Quant aux Trois Frères, bien entendu, on n’en avait pas ramené un seul, mort ou vivant. Bien mieux, on ne les avait pas vus et ils n’avaient pas tiré un coup de fusil. On les avait fusillés au hasard, mais nul ne pouvait dire si on avait réussi seulement à les atteindre. On n’avait retrouvé que le docteur Honorat au centre de la clairière de Moabit, attaché au pied d’un arbre. Pendant tout le combat, il avait chanté le Chant des Girondins : « Mourir pour la patrie ! » et, après, quand on avait voulu le faire parler, il avait entonné la Marseillaise qu’il chantait encore. Le Maire était consterné ; quant au Préfet, il ne s’occupait que d’un télégramme que l’on venait de lui apporter et dans lequel le Gouvernement lui annonçait sa révocation.

Après être allée à la mairie, Gertrude s’était dirigée vers le Soleil Noir. Il y avait une telle foule dans la rue,